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Vitamine D et cancer du sein :
une piste non exploitée ?
Vitamin D and breast cancer: an unexplored
track?
S. Saez1 et P.-M. Martin2, 3
Mots clés : vitamine D, différenciation cellulaire, contrôle interaction tumeur microenvironnement, déficit vitamine D, incidence du cancer du sein
Keywords: vitamin D, cell differentiation, control interaction tumor microenvironnement,
vitamin D deficit, breast cancer incidence
Si l’exposition au rayonnement solaire est connue depuis 1924 comme facteur
de prévention du rachitisme, la vitamine D et sa structure n’ont été isolées qu’en
1971. Depuis les années 1980, on classe la vitamine D dans la superfamille des
hormones stéroïdiennes alors que le terme hormone sous-entend la sécrétion par
une glande endocrine, ce qui n’est pas le cas de la vitamine D. Cependant, la
vitamine D est un dérivé du métabolisme du cholestérol comme les hormones
stéroïdiennes et son action nécessite un récepteur nucléaire proche des récepteurs
stéroïdiens et rétinoïques.
La modulation de l’action de la vitamine D à l’identique des hormones stéroïdiennes se fait par l’adjonction aux récepteurs nucléaires dimérisés de co-facteurs
co-activateurs ou co-répresseurs tel que le montrent les travaux de Deeb et al. en
2007 et ceux de Bikle en 2010. Deux sources essentielles sont pour les deux tiers
la photosynthèse endogène par l’action des UVB qui conduit à une pro-hormone
D3 le cholecalciférol. Un tiers provient de l’alimentation sous forme également
de prohormones D2 l’ergocalciférol. Ces prohormones sont transportées dans le
sang par une molécule spécifique la DBP, molécule proche de l’albumine et de
1 Centre hospitalier Lyon Sud, 69310 Pierre Bénite, France
2 Aix-Marseille Université, Inserm, CRO2 UMR-S 911, 13005, Marseille, France
3 AP-HM, CHU Nord, Laboratoire de Transfert d’Oncologie Biologique, 13015, Marseille, France
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l’alphaphœtoprotéine synthétisée par le foie. L’affinité des prohormones D3-D2
pour la DBP est supérieure à celle des formes hydroxylées actives.
La vitamine D3 est activée par une double hydroxylation dont la première,
effectuée dans le foie, vient du cytochrome CYP27A1 et forme la 25 (OH) D3.
La seconde hydroxylation est effectuée dans le rein par le cytochrome CYP27B1.
Cette double hydroxylation d’activation aboutit au secostéroïde ou 1a25OHD3
ou calcitriol. La synthèse du calcitriol est régulée par l’hormone parathyroïdienne
PTH IGF1. En revanche, une régulation négative est sous le contrôle du taux
sérique de calcium (Ca+), de phosphate (P), du facteur FGF23 et du taux sérique
de 1a25OHD3. Le calcitriol a un taux moyen de 30 pg/mL taux plus faible
que le taux circulant de la forme monohydroxylée (25OHD3) ainsi que celui
du catabolite inactif 24-25(OH)2 D3. Le catabolisme se fait par hydroxylase la
24OHase CYP24A1. Le catabolite inactif est excrété par le rein.
L’action de la vitamine D3 se fait via un récepteur nucléaire (VDR) qui se
dimérise et s’associe avec des coactivateurs/corépresseurs pour réguler l’expression
de gènes spécifiques. Une hétérodimérisation est possible avec les monomères,
les récepteurs rétinoïques ; 56 % des cancers du sein expriment le récepteur
VDR et il est important de noter que 53 % des cancers du sein « triple négatifs »
expriment ce récepteur VDR, posant l’hypothèse d’une voie thérapeutique à ce
jour peu envisagée.
Le polymorphisme des cytochromes d’activation ou de catabolisme ainsi
que leur expression plus ou moins importante ont été considérés dans certaines
études comme des facteurs pronostiques des cancers du sein. En effet, les modèles
expérimentaux in vivo, in vitro, entre autres en co-culture avec des fibroblastes isolés
du stroma permettent d’évaluer l’impact de la vitamine D et démontrent qu’elle est
un facteur de régulation de la prolifération et un facteur de différentiation de ces
mêmes cellules carcinomateuses ; cette action n’est pas liée au caractère hormonodépendant [1]. Ceci est observé sur des lignées épithéliales tumorales mammaires
mais également coliques et prostatiques. Les modèles in vivo démontrent un impact
extrêmement important de la vitamine D sur le microenvironnement tumoral
agissant sur la composante myofibroblastique et macrophage, en les différenciant,
entre autres, en cellules non activées et en sous-type en macrophage M1. Il en est
de même sur la composante endothéliale, l’ensemble réduisant l’induction de la
néoangiogenèse et de la transformation épithéliale mésenchymateuse (EMT). La
meilleure connaissance actuelle de l’importance des interactions entre microenvironnement et cellules transformées au cours du développement tumoral suggère
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un rôle potentiel majeur de la vitamine D dans le cadre d’une prévention, dont on
pense qu’elle pourrait régulariser la différentiation. Par ailleurs, des essais cliniques
pourraient être conçus, dans une politique de prévention, et/ou d’association aux
protocoles de thérapeutiques adjuvantes ou palliatives.
Dès les années 1980-90, plusieurs travaux démontrent une relation entre exposition aux rayonnements solaires et apports alimentaires en vitamine D comme
facteurs associés à une diminution de l’incidence et de la mortalité par cancer
du sein, avec les travaux entre autres de Garland pour les États-Unis, et l’étude
de Studzinski sur l’analyse d’incidence des cancers du sein dans l’ensemble de
l’URSS [4-6]. Il est évident qu’un facteur important comme l’alimentation ou
l’habitus alimentaire peut être un facteur associé et perturber de telles analyses.
Cependant, une actualisation a récemment a été faite en France sur la cohorte
E3N [2]. Enfin, un travail étudiant la disparité de la mortalité par cancer du
sein sur le plan multiethnique dans une cohorte du Sud-Est des États-Unis a fait
l’objet d’une controverse très intéressante qui a permis de réactualiser les données
sur l’exposition aux radiations solaires UVB et le polymorphisme observé dans
ces différentes populations et surtout les modifications de synthèse associées à
la pigmentation cutanée [3]. Plusieurs publications d’analyse de données épidémiologiques (EARC 2008 vitamine D et cancer, UV, vitamine D et cancers non
cutanés INCa 2011), montrent que dans le cas des cancers colorectaux, un taux
sérique faible de vitamine D est associé à une augmentation du risque. Le niveau
de preuve est plus limite en ce qui concerne le cancer du sein et le cancer de la
prostate. Cependant, ces rapports d’analyses épidémiologiques ne prennent pas
en compte d’autres études, isolées ou récentes [2, 4-6] qui associent une évolution
défavorable des cancers du sein à des taux sériques faibles de vitamine D3 ou à des
conditions de synthèse ou apports alimentaires défavorables. Enfin, la publication
suivante [7] montre qu’une réduction de la mortalité et des récidives est associée
à la supplémentation en vitamines (dont la vitamine D) dans les 6 premiers mois
après un diagnostic de cancer du sein.
En conclusion, les données expérimentales in vivo, in vitro sont toutes concordantes sur l’impact de la vitamine D dans le contrôle de la prolifération cellulaire,
voire de la tumorigenèse, étape dans laquelle l’interaction tumeur-microenvironnement est indispensable. La vitamine D joue un rôle d’induction de la
différenciation tissulaire. Les informations apportées par les publications récentes
permettent de mieux réévaluer les méta-analyses publiées et démontrent l’importance qu’il convient de donner à une meilleure prise en compte du rôle potentiel
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de la vitamine D en cancérologie. Les conditions de la vie urbaine, actuellement
majoritaire sous nos latitudes expliquent la fréquence des déficits observés en
vitamine D. La possibilité galénique d’une correction au long cours de ce déficit
et son coût modeste devraient inciter à une mise en œuvre thérapeutique dans
un cadre général de prévention et dans celui d’une association thérapeutique
potentielle avec les protocoles, entre autres de chimiothérapie [8]. Notre revue a
porté essentiellement sur le cancer du sein mais les mêmes études concordantes
ont été associées dans le cadre de cancers également hormonaux sensibles, cancer
du côlon, cancer de la prostate.
Références
1. Chouvet C, Vicard E, Devonec M et al. (1986) 1,25-Dihydroxyvitamin D3 inhibitory effect
on the growth of two human breast cancer cell lines (MCF-7, BT-20). Steroid Biochem 24: 373-6
2. Engel P, Fagherazzi G, Boutten A et al. (2010) Serum 25(OH) vitamin D and risk of breast
cancer: a nested case-control study from the French E3N cohort. Cancer Epidemiol Biomarkers
Prev 19: 2341-50
3. Adams SA, Steck SE, Hébert JR (2011) Reply to differences in vitamin D status likely explain
racial disparities in breast cancer mortality rates in the southeast. Cancer. Dec 27. doi: 10.1002/
cncr.27383
4. Chen P, Hu P, Xie D et al. (2010) Meta-analysis of vitamin D, calcium and the prevention of
breast cancer. Breast Cancer Res Treat 121: 469-77
5. Fedirko V, Riboli E, Bueno-de-Mesquita HB et al. (2011) Prediagnostic circulating parathyroid
hormone concentration and colorectal cancer in the European Prospective Investigation into Cancer
and Nutrition cohort. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev 20: 767-78
6. Peppone L, Rickles A, Huston A et al. (2011) The Association between Prognostic Demographic
and Tumor Characteristics of Breast Carcinomas with Serum 25-OH Vitamin D Levels. Cancer
Epidemiol Biomarkers Prev 20: 717
7. Nechuta S, Lu W, Chen Z et al. (2011) Vitamin supplement use during breast cancer treatment
and survival: a prospective cohort study. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev 20: 262-71
8. Jacot W, Pouderoux S, Thezenas S et al. (2012) Increased prevalence of vitamin D insufficiency
in patients with breast cancer after neoadjuvant chemotherapy. Breast Cancer Res Treat 134: 709-17
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