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Bioéthique
Neuroéthique et
neuroamélioration
Bernard Baertschi
21 janvier 2015
Plan
1. La neuroéthique contemporaine
2. Quatre scénarios
3. Une famille performante: neuroamélioration et
soucis éthiques
4. De l’usage de la neuroamélioration
5. La santé et la normalité
3. La neuroéthique
contemporaine
«La neuroéthique est la discipline qui
embrasse les implications éthiques
des avancées en neuroscience et en
neuropsychiatrie.» (Leon Kass,
président du Conseil du président
étasunien pour la bioéthique)
Le terme «neuroéthique» a été
réinventé par William Safire en 2002.
Adina Roskies
principes pour guider la
recherche et les traitements
éthique de la pratique
éthique des
neurosciences
implications éthiques
des neurosciences
neuroéthique
effets des progrès de la connaissance
du cerveau sur nos conceptions
sociales, éthiques et philosophiques
neuroscience de
l'éthique
approche scientfique de notre
comportement moral
La neuroscience de l’éthique
«It could be said that these approaches emphasize
different brain regions: frontal (Kant); prefrontal, limbic,
and sensory (Mill); the properly coodinated action of all
(Aristotle).» (W. Casebeer)
Les sciences
cognitives
Danger !
We identified three types of misrepresentation in the
scientific literature about ADHD. The first relies on
prominent inconsistencies between results and
conclusions claimed in the title and summary. The
second consists in putting a firm conclusion in the
summary while raw data that strongly limit the claim are
only given in the results section. In the third, basic and
pre-clinical findings are extrapolated to new therapeutic
prospects in inappropriate ways.
La naissance de la
neuroéthique
José Delgado
In one famous experiment
conducted in Spain (1965), Dr
Delgado confronted a charging
1,000 pound bull. As the
horned animal lunged towards
him aggressively, Dr Delgado
used a radio signal to activate
an electrode implanted deep
in the bull’s brain. The bull was
brought to a halt at Delgado’s
feet.
Harper & Row, NY, 1969
Human Pleasure Evoked by ESB
(Electrical Stimulation of the Brain)
«It is already possible to equip animals
o r h u m a n b e i n g s w i t h m i nu t e
instruments called “stimoceivers” for
radio transmission and reception of
electrical messages to and from the
brain in completely unrestrained
subjects. Microminiaturization of the
instrument’s electronic components
permits control of all parameters of
excitation for radio stimulation of
three different points within the brain
and also telemetric recording of three
channels of intracerebral electrical
activity».
«The individual may think that the most
important reality is his own existence,
but this is only his personal point of
view. This lacks historical perspective.
Man does not have the right to develop
(né en 1915)
his own mind. This kind of liberal
orientation has great appeal. We must
electronically control the brain.
Someday armies and generals will be
controlled by electric stimulation of the
brain.»
Le cas de Phineas Gage
Ses principaux sens – le toucher, l’audition, la
vision – étaient fonctionnels et il n’était
paralysé d’aucun membre, ni de la langue. Il
avait perdu la vue de son œil gauche, mais
voyait parfaitement bien avec le droit. Sa
démarche était assurée; il se servait de ses
mains avec adresse, et n’avait pas de difficulté
notable d’élocution ou de langage. Et
cependant, «l’équilibre, pour ainsi dire, entre
ses facultés intellectuelles et ses pulsions
animales» avait été aboli.
Ces changements étaient devenus apparents dès la fin de la phase aiguë de
la blessure à la tête. Il était à présent «d’humeur changeante;
irrévérencieux; proférant parfois les plus grossiers jurons (ce qu’il ne faisait
jamais auparavant); ne manifestant que peu de respect pour ses amis;
supportant difficilement les contraintes ou les conseils, lorsqu’ils venaient
entraver ses désirs; s’obstinant parfois de façon persistante; cependant,
capricieux, et inconstant» (Damasio, L’Erreur de Descartes).
Albert Jonsen
« G a g e v i v a i t ave c d e s
capacités physiques intactes et
des facultés cognitives en bon
état – bien qu’avec une
exception importante: il était
devenu incapable de faire des
choix moraux»
Quel est le rôle de l’affectivité (émotions) dans la morale ?
Gage est-il responsable de ses actes ?
Est-il la même personne qu’auparavant ?
«Dorothy Lewis a mené en 1984 des études neurologiques, psychiatriques et psycho-éducationnelles sur
15 condamnés à mort aux États-Unis; tous les 15
avaient souffert de traumatismes sérieux du
cerveau.» (W. Winslade)
et nous, sommes-nous responsables ?
Des soucis
Gage nous inquiète à un plus d’un titre. D’abord, nous sommes à la
merci d’un accident cérébral: notre identité personnelle et morale ne
dépend pas de nous, du moins pas entièrement. Ensuite, il devient
possible de modifier les personnes, jusque dans leur identité, en
agissant physiquement sur leur cerveau. Notre identité numérique
elle-même n’est pas à l’abri: les chercheurs travaillent actuellement sur
des substances qui pourraient non seulement changer notre caractère,
mais encore effacer des parties de notre mémoire: ne serait-ce pas
une bonne chose pour empêcher les syndromes post-traumatiques ?
Mais la personne dont la mémoire serait ainsi effacée demeurerait-elle
encore la même que celle qui a subi le traumatisme ? En effaçant le
souvenir, n’aurions-nous pas, en un certain sens, effacé la personne
elle-même ? En amont de ces craintes en pointe une autre, antique et
récurrente: si nous sommes le produit de notre cerveau et de sa
biochimie, qu’en est-il de notre responsabilité et de notre libre
arbitre ?
2007 – Antoine et Eliane enquêtent sur un fauchage d’OGM. Le suspect
nie, mais en relevant son empreinte cérébrale, ils notent que les photos
des lieux éveillent des souvenirs dans son cerveau. Ils le font mettre en
examen.
2008 – Tiana déprimait mais elle se sent mieux depuis qu’elle a des
électrodes dans le cerveau. Reliées à un boîtier électronique greffé sous sa
clavicule, celles-ci agissent sur son état mental par stimulation cérébrale
profonde. Elle prend maintenant la vie du bon côté.
2010 – Miguel est web-vigile : il traque sur la toile les indices d’activités
subversives. Pour traiter en temps réel les millions d’informations du
cyberespace, il porte son casque de cognition augmentée. Le dispositif qui
capte son activité cérébrale détecte tout relâchement de l’attention, et
déclenche des procédures de correction adaptées. Miguel reste ainsi
efficace et productif toute la journée.
2025 – Jean-Olivier déclame des poèmes dans les banquets
philosophiques. Contre les trous de mémoire, il s’est fait poser un
hippocampe artificiel et peut désormais réciter des heures d’affilée. Il a
profité de l’opération pour faire effacer quelques souvenirs superflus.
Six questions de neuroéthique (ou
de neurosciences et philosophie)
1. L’identité personnelle
2. Le rôle de l’affectivité dans l’éthique
3. La responsabilité morale
4. Lire dans l’esprit
5. Le mental et le cérébral (l’âme et le corps)
6. La neuroamélioration
2. Quatre scénarios
1. A student will soon take his two last and decisive exams. If he is successful, he will
obtain his degree and a well-paid position. If not, he cannot proceed with his studies
and will have to leave the university. He has already had to repeat some exams, due to
difficult personal circumstances. After a time of intense exam preparations, he asks his
doctor for a drug to diminish his need for sleep so that he can use the scarce
remaining time as efficiently as possible.
2. For several weeks, a single mother-of-two has cared for her terminally ill mother at
home and has become completely exhausted. However, she does not want to place
her mother in a care institution because she expects that she will not live much longer.
The mother had supported her during her divorce and she would like to return the
favour. She asks her physician for a stimulant so she can keep up with her workload for
a longer time.
3. A 24 year-old woman, who is shy and has low self-esteem around men wants to get
rid of her inhibitions. She asks her physician for a drug that can reduce her anxiety. A
female friend of hers is taking a drug for social phobia, and she would also like to try
this drug.
4. A renowned scientist, who has just come back from a business trip, is suffering from
jet lag and wants a prescription for modafinil as he wants to be back at his normal
performance level as soon as possible, as he is attending a conference in the near
future. He asks his family doctor to prescribe an appropriate stimulant.
R. Ott & al, Swiss Medical Weekly, 2012
3. Une famille performante
• Le père divorce et prend un médicament pour être
moins triste
•
• Le fils est un bon coureur de demi-fond et prend du
La fille est hyperactive à l’école et prend de la Ritalin®
Viagra® pour améliorer ses capacités pulmonaires
• Le père veut changer de travail et prend des
amphétamines pour apprendre plus vite l’arabe qui lui
sera utile.
Anjan Chatterjee
Où sont les problèmes ?
1. Cette famille triche: elle cherche à obtenir des
avantages compétitifs indus et injustes.
2. Cette famille triche avec la vie: elle n’affronte pas
les problèmes qu’elle rencontre comme elle
devrait normalement le faire.
❶
En ce qui concerne la tricherie, l’objection ne s’applique
que là où il existe des règles interdisant l’usage de
médicaments « dopants ». Or, ce n’est pas le cas dans la
vie sociale qui, sur ce point, n’a rien à voir avec le sport
de compétition. Toutefois, si prendre une substance
psychoactive nous donne un avantage que les autres
n’ont pas, ne s’agit-il pas d’une forme de tricherie
informelle ? Il s’agit sans doute d’une injustice, si l’accès
à ces substances n’est pas égal pour tous, mais même
alors, il n’y aura problème que dans le cas où le bien
visé est un bien rival. Un bien rival est un bien dont la
possession par un individu diminue la quantité
disponible pour les autres individus.
Or, si j’améliore ma mémoire, cela ne diminue pas la
quantité de mémoire disponible pour les autres.
Toutefois, si j’augmente ma mémoire afin de réussir un
examen à caractère compétitif, je diminue la quantité
de diplômes disponibles pour les autres; et s’il n’y a
qu’un diplôme en jeu et que je l’obtienne, ce diplôme
passe même dans la catégorie des biens excluables (le
fait que j’en dispose empêche toute autre personne
d’en disposer). L’objection de la tricherie n’est donc
pas absolument non pertinente, mais elle ne saurait
jeter un ban sur tout usage amélioratif de
neuromédicaments. (B. Baertschi, art.
Neuroamélioration, in: L’Homme et ses préfixes, Paris,
Vrin, 2014)
❷
A. Il n’est pas bon de vouloir s’améliorer par des
moyens artificiels (des médicaments); seuls les
moyens naturels (l’effort, l’entraînement) sont
admissibles.
B. Le recours à des moyens artificiels n’est justifié que
pour soigner, non pour améliorer.
C. Toute amélioration doit se mériter par un effort
particulier, qu’il soit physique ou mental.
le mérite
c
Un jour, Dieu décida de fabriquer une petite pilule rouge
qui avait la propriété d’améliorer significativement les
capacités de celui qui l’avalerait. Dans un bourg vivait un
médiocre cordonnier qui produisait de médiocres souliers
et qui, en conséquence, ne pouvait exiger qu’un modeste
salaire. Lors d’une promenade, il trouva par hasard la pilule
et, croyant à une baie, l’avala. Les effets ne se firent pas
attendre: le lendemain à son travail, les clous qu’il plantait
ne se tordaient plus comme il avait été de règle, il coupait
et taillait le cuir avec dextérité et les souliers qu’il
fabriquait ne lui attiraient plus que des éloges. Son salaire
se modifia bien sûr en conséquence, si bien qu’il put
rapidement ouvrir sa propre échoppe dans laquelle il
prospéra. (D’après Mark Michael)
c
Le mériter… Vraiment ?
«We do not always have to “earn”
our happiness to be really and truly
happy, nor do we reject as fraudulent
those things that make us happy that
we have done little or nothing to
earn.» (Straining their Brains, p. 17)
Arthur Caplan
b
Le caractère naturel des
moyens importe-t-il vraiment ?
«Self-improvement is one of
our highest ideals. Why should
it be important that you do all
your self-improvement the
old-fashioned way?» (Freedom
Evolves, p. 276)
Daniel Dennett
b
Martha Nussbaum
«There is nothing wrong with the use of
“unnatural” enhancements in sports.
Indeed sports depend thoroughly on the
non-natural: on tennis rackets, poles for
vaulting, skis for skiing, hi-tech running
gear, fancy wet suits, and, in addition, on
protective gear of many kinds. Both
steroids and boxing gloves are unnatural.
The latter are good and should be, as
they are, required; the former are
dangerous, and should be banned.»
b
«One might also hold that capacities obtained by
means of some artificial enhancement would fail to
contribute, or would not contribute as much, to our
Dignity as a Quality as the same capacities would have
done had they been obtained by “natural” means. […
But] this line of reasoning also suggests that a trait
acquired through the deliberate employment of some
enhancement technology could be more authentically
ours than a trait that we possessed from birth or that
developed in us independently of our own
agency.» (Nick Bostrom, US President’s Council,
p. 181-183)
Une première solution
«Contrary to early approaches in the 1990s, the legitimate use of
psychopharmacological enhancement cannot be discussed in an abstract
general way. This assumption is firstly based on the fact that in different
societal and personal domains we sometimes value to a different extent
either the cognitive accomplishment per se or, alternatively, the way by
which it is achieved. For example, in sports, games and partially in arts
accomplishments are primarily valued for the way they are achieved, e.g.
by natural talent, effort, and luck. In other domains, we primarily value the
accomplishments per se, e.g. in many scientific domains. If, for example,
someone discovers a cure for cancer we will honor this accomplishment
whether or not it was assisted by constant intake of high doses of coffee
or Modafenil®. In fact, in most everyday domains we only care for the
accomplishments and maybe even disregard those manners which we
value in some other special fields: if someone puts all his talent, effort and
luck in solving a complex math problem or in reaching a distant location
we might tend to ask him why he has not simply used a calculator or a car,
respectively.» (Matthis Synofzik)
activité
valorisée pour elle- valorisée pour son
même
résultat
1 seul «gagnant»
l’améliorant prive
l’activité de sa
signification
médaille d’or
prix Nobel
à somme non nulle
gravir un sommet
réussir un examen
à somme nulle
Rob Goodmann, 2010
L’exemple des vertus
Another claim that a particular moral phenomenon is
historical is the view that the virtues depend on certain
processes of acquisition. On this view, the virtues are not
simply propensities or dispositions to behave in certain ways
in relevant circumstance; they are these dispositions only
provided that they have been acquired through certain
appropriate processes of education and habituation. According
to this approach, it is impossible in a strong sense that there
be ‘virtue pills’ – pills that one could take that would induce
dispositions that would count as virtues. Whereas these pills
might induce the pertinent propensities, these propensities
would not count as virtues insofar as they were not acquired
in the required fashion. (J. M. Fischer & M. Ravizza, p. 182)
Des soucis tout de même
1. A concern about safety. We weigh the potential risks and side
effects of a new medication for a disease against the potential
benefits.
2. A concern about ways in which manipulating our emotional lives
might erode character, both individually and communally.
3. A concern about distributive justice: If cosmetic neurology
succeeds in making people smarter and happier, will these
enhancements be available disproportionately to the affluent?
4. A concern about coercion. Will healthy people be or feel forced to
take such medications, either because it would serve a greater
good (for example, airline pilots being required to take a drug to
increase alertness) or because of competitive pressures?
Anjan Chatterjee
❷
The President’s Council
on Bioethics
«A drug that induces
fearlessness does not produce
courage» (Beyond Therapy,
p. 291)
❹
La coercition sociale
Cynthia Forlini & Eric Racine,
Autonomy and Coercion in
Academic “Cognitive
Enhancement” Using
Methylphenidate: Perspectives
of Key Stakeholders,
Neuroethics, 2010
choix d’un style de vie
liberté
❹
Anjan Chatterjee
«L’utilité d’être plus fort et plus intelligent,
d’avoir moins besoin de sommeil,
d’apprendre plus rapidement et de ne pas
être gêné par des trauma psychiques est
très claire», dans l’environnement
économique ultracompétitif que nous
connaissons: «Les travailleurs plus âgés
risquent d’être remplacés par de plus
jeunes, vu qu’ils sont moins capables
d’apprendre et de s’adapter à un
environnement technologique qui change
rapidement.»
amélioration ou adaptation ?
D’où un autre
souci
Neil Levy
«One plausible explanation is that the social conditions in
which we live – the alienation and anonymity of big cities,
the insecurity caused by globalization and shifts in
employment, the threat of new diseases, political tensions,
and so on – are incompatible with a flourishing life. […]
Rather than medicating ourselves to cope with our toxic
environment, we ought to change it. » (Neuroethics, p. 86)
4. De l’usage de la
neuroamélioration
a) Quelques études
b) Ce qu’on peut améliorer
c) Les molécules utilisées
a) Quelques études
aux États-Unis:
Eric Racine & Cynthia Forlini, Cognitive Enhancement, Lifestyle Choice or
Misuse of Prescription Drugs?, Neuroethics, 2010.
«In the USA 6,9 to 16,2% of college students is reported to
have used psychostimulants for this purpose. A recent study in
the Netherlands showed that 2,4% of the students between
12–18 years have used medication for non-medical purposes
in the past year. Half of them (1,2%) used Ritalin® […]. In
Belgium, a recent poll among 1,500 university students showed
that 3% used psychostimulants during their exam periods;
another poll indicated that this might even be up to 20%. A
recent Internet poll conducted by Nature, to which 1,400
scientists from 60 different countries reacted, revealed that
one in five scientists uses psychoactive drugs for non-medical
purposes. Of those using enhancers, 62% used
methylphenidate, and 44% modafinil.»
Schermer (M.) & al., The Future of Psychopharmacological EnhancementsExpectations
and Policies (2009)
Brendan Maher, Poll results: look who’s
doping, Nature 452, 674-675 (2008)
52%
34%
14%
Quelques résultats
Qui
• 20% utilisateur
Quoi
• 62% methylphénidate (Ritaline)
• 44% modafinil (Provigil)
• 15% propanolol (Inderal)
Pourquoi
• Pour améliorer la concentration, combattre jet-lag,
etc.
Problèmes
• 50% reportaient des effets secondaires, jugés
acceptables
Lars Stark
Une enquête menée par la caisse-maladie des
employés allemands (Deutsche Angestellten-Krankenkasse, DAK) a débouché sur les résultats suivants:
environ 5 % des 3000 personnes actives interrogées se
dopent au quotidien dans le cadre de leur travail. La
plupart ingèrent des substances destinées à combattre
la peur, la nervosité ou l’anxiété. Ces substances
représentent environ 44 % des produits utilisés, et
sont suivies à hauteur de 35 % par les médicaments
contre les épisodes dépressifs et à 13 % par des
médicaments contre les troubles de l’attention, tels
que l’hyperactivité.
Académies suisses des sciences, News, 9 juin 2011
Consommation de stimulants des
étudiants en médecine zurichois
«Le modafinil et le méthylphénidate ne sont consommés que par un petit
nombre d’étudiants en médecine zurichois, la plupart du temps pour
améliorer les fonctions cognitives.»
R. Kowalewski et al., abstract DGPPN, 2010
b) Ce qu’on peut améliorer
perfection personnelle
la personne
les états de la
personne
les capacités de la
personne
(compétences)
les performances
le bien-être
transhumanisme
végétatifs
sommeil, appétit, sexe
moteurs
humeur, caractère
affectifs
mémoire, force,
générosité, empathie
cognitifs
moraux
exploit ponctuel
dopage
Un cas
«Imaginez un médicament que les neurochirurgiens pourraient
prendre pour réduire le tremblement naturel de leurs mains et
augmenter leur capacité à se concentrer. Ce médicament
hypothétique n’aurait pas ou seulement peu d’effets secondaires. De
nombreuses études auraient montré que les neurochirurgiens qui
prennent ce médicament avant une opération ont de meilleurs
résultats: moins d’erreurs de chirurgie, un taux de morbidité et une de
mortalité moindre chez leurs patients. Serait-il immoral pour un
neurochirurgien de prendre ce médicament parce qu’il constitue une
“amélioration” ? Supposons que quelqu’un que nous aimons ait besoin
d’une opération du cerveau et que deux neurochirurgiens soient
disponibles. Si l’un disait: “Bien sûr, je prends ce médicament, parce
qu’il aide mes patients”, et que l’autre réplique: “Non seulement je ne
prends pas ce médicament, mais j’utilise aussi des instruments du XIXe
siècle, parce qu’ils me permettent de mieux déployer ma virtuosité
technique”, quel chirurgien choisirions-nous tous ?» (Thomas Murray)
William Safire
«Supposez que nous puissions
développer un médicament qui
nous rende moins timide, plus
honnête ou intellectuellement
plus séduisant, avec un bon sens
de l’humour. Qu’est-ce qui nous
empêcherait d’utiliser un tel
“Botox pour le cerveau” ?»
In a recent survey of an unselected group of 1’000
respondents, we found that 87% would be willing to
use minimally invasive brain stimulation to enhance
their intellectual ability or performance at work or
school.
Les techniques de
stimulation
magnétique et
électrique
«If you had the opportunity to give your child a
relative1y safe drug half an hour before piano lessons
and the child then learned to become a terrific piano
player, would you do it or not?»
you do
?
48%
you do not
?
52%
Anjan Chatterjee
Trois paradigmes pour
l’évaluation
Études en santé publique:
1. L’abus de prescription de médicaments
Revues de bioéthique:
2. L’amélioration des capacités
négatif
perfection
positif
liberté
positif
Médias:
3. Le choix d’un style de vie
Eric Racine & Cynthia Forlini, Cognitive Enhancement,
Lifestyle Choice or Misuse of Prescription Drugs?,
Neuroethics, 2010
Un parallèle
chirurgie esthétique
neurologie cosmétique
(neuroamélioration)
Source: les besoins de la
chirurgie de reconstruction
Source: les besoins de
traitement des maladies du
cerveau dues au vieillissement
Soucis éthiques:
1. La sécurité
2. La frivolité
3. La justice distributive
4. La coercition (pression
sociale)
Soucis éthiques:
1. La sécurité
2. L’érosion du caractère
3. La justice distributive
4. La coercition (pression
sociale)
Anjan Chatterjee
Andy Warhol
Before and After
c) Les molécules utilisées
la neuropharmacologie
•
• Le méthylphénidate (Ritaline )
• Le modafinil (Provigil )
• Le propanolol
• Le donépézil
• L’ocytocine
La fluoxétine (Prozac®)
®
®
La fluoxétine
«In celebrating Prozac® as a wonder drug that effects miraculous
changes in personality and social performance – lowering inhibitions
and increasing outgoing, confident behaviour – Peter Kramer’s
‘listening to Prozac’ helped to create a worldwide pill taking hype.
Kramer claimed that consumers had entered a new era of cosmetic
psychopharmacology. The choice to become a Prozac consumer was
presented as one’s own choice of mood self-control and engineering
wellness.» (T. Pieters & S. Snelders)
Le méthylphénidate
Il peut être utilisé, en dehors de ses indications
thérapeutiques, par des toxicomanes, par des étudiants
ou des sportifs cherchant à améliorer leurs
performances. La Ritaline® est aussi appelée kiddy coke
soit drogue d’enfants.
Autre substance pour le traitement de l’hyperactivité et
qui a des effets compatables: atomoxétine
http://fr.wikipedia.org/wiki/Méthylphénidate
Le modafinil
Assemblée nationale française, 15 mai 2001
Le Ministre de la Défense avait sollicité au cours de l’année 1990, l’avis du comité
d’éthique du SSA (CESSA) pour conduire une expérience sur des volontaires
sains. Le procès verbal de la réunion tenue par le comité le 13 juin 1990, apporte
d’intéressantes informations. En premier lieu et s’agissant de la justification de ce
projet, il est indiqué que le Modafinil est une substance «efficace et pratiquement
dépourvue d’effets secondaires» mais qu’il restait nécessaire d’une définir les
conditions d’emploi sur l’homme. […] Le Comité a tenu à exprimer une réserve
de principe: «Le CESSA unanime déclare qu’il est très grave de s’engager dans la
voie de l’usage à des fins non thérapeutiques de ce type d’agent
pharmacologique. Il émet les plus expresses réserves vis-à-vis d’une
généralisation de son emploi. L’expérimentation projetée chez l’homme ne doit
être entreprise que pour déterminer les conditions de son emploi dans des
conditions tout à fait exceptionnelles, l’ordre d’utilisation de la substance ne
devant être donné que par une des plus hautes autorités de la Défense
nationale.»
Le propanolol
Propranolol is often used by musicians and other performers to
prevent stage fright.
Propranolol is currently being investigated as a potential treatment for
post-traumatic stress disorder. Propranolol works to inhibit the
actions of norepinephrine, a neurotransmitter that enhances memory
consolidation. Studies have shown that individuals given propranolol
immediately after a traumatic experience show less severe symptoms
of PTSD compared to their respective control groups that did not
receive the drug (Vaiva et al., 2003). However, results remain
inconclusive as to the success of propranolol in treatment of PTSD.
http://en.wikipedia.org/wiki/Propranolol
Le donépézil
In July 2002, a pilot study, reported that donepezil improves the
memory of aging pilots. The researchers trained pilots in a flight
simulator to perform specific maneuvers and to respond to
emergencies that developed during their mock flight, after giving half
the pilots donepezil and half a placebo. One month later they
retested the pilots and found that those who had taken the donepezil
remembered their training better, as shown by improved
performance.
http://en.wikipedia.org/wiki/Donepezil
In media and bioethics articles referencing this small study, strong
claims were made about donepezil as a CE drug. The majority of
headlines, titles, and colloquialisms used enhancement language and
the majority of these suggest that donepezil could be used to
enhance intellectual ability. Further, both literatures moved
between reporting the results of the primary study and magnifying
the perceived connection between these results and the CE debate
that was alluded to in the primary study. Specific descriptions of
the results overwhelmingly reported an improvement in
performance on a flight simulator, while more general statements
claimed donepezil enhanced cognitive performance
L’ocytocine
Une étude plutôt fascinante
HOME = Human OxytocinMediated Empathy
High T [= testosterone] males, compared to males with lower T, are
more likely to have had physical altercations, are more frequently
divorced, spend less time with their children, seek out competition in
many areas, have more sexual partners, but also face learning disabilities
and more frequently lose their jobs. A recent study found that higher T
males are more likely to reject low offers in the UG. In general, these
studies suggest that high T males are more aggressive and less prosocial.
Fellow-feeling or empathy appear to motivate us toward virtue and away
from vice. […] Human beings have a physiologic moral compass. This
itself is not surprising – we are social creatures and our brains evolved
to modulate our behaviors to maintain our place in the social milieu.
What is surprising is that this tiny and ancient molecule, OT, and the
neurotransmitters it modulates in the HOME circuit appear to be
responsible for moral sentiments.
The development of the HOME system depends critically on the
nurturing received in childhood. When parental nurturing is scarce or
absent in nonhuman mammals, areas of the brain that typically have high
densities of OT receptors are instead sparse and these animals are
socially withdrawn throughout their lives. Among the nearly one
thousand college students in whom I have measured OT release in
blood, about 2 percent have a dysregulation in oxytocin. I call this
oxytocin deficit disorder (ODD), as these people have high basal OT
levels but do not appear to release OT after receiving a trust stimulus.
Accordingly, they do not reciprocate trust. Tellingly, those with ODD
have difficulty forming friendships and romantic attachments and are
often deceptive. We have recently replicated this finding in patients
diagnosed with social anxiety disorder. The causes of ODD are likely to
include one’s developmental history, and we are currently running
several studies to characterize the role of life history in the functioning
of the HOME system. We expect to find, as in rodents, that one’s
childhood experiences will affect how HOME operates.
Un argument en faveur de
l’amélioration morale
1. Biomedical enhancement typically works by modulating existing
states or processes that underlie our various capacities.
2. The ‘natural’ level of these states or processes is set in
substantial part by our biology, as selected by evolution, as well
as by various environmental influences and social pressures.
Since these influences are largely ‘blind’:
3. It is unlikely that this prior level is optimal, relative to our
values.
4. There is prima facie reason to either raise or lower that
‘natural’ level using (morally permissible) means, including
biomedical ones.
2013
Des anciennes molécules
• Mescaline (utilisée par les chamans)
• Alcool
• Diverses substances utilisées par les artistes
(champignons hallucinogènes, LSD, peyotl,
amphétamines,…)
Efficaces, ces substances ?
Quelques effets
• In a systematic review of the proven effects of these drugs in healthy
subjects we concluded that they do have some cognitive enhancing
effects, specifically on working memory, executive functioning (spatial
planning ability), sustained attention and episodic memory
• Methylphenidate (Ritalin®): since this is a psychostimulant it does keep
you awake and alert. However, it does not appear to have effect on
concentration or sustained attention in healthy volunteers. Moreover,
while methylphenidate enhances executive function on novel tasks, it
impairs previously established performance.
• Studies on dopamine augmentation provide some support for a
baseline dependency: individuals with a ‘low memory span’ benefit
from
administration of dopamine agonists, whereas ‘high span
subjects’ are ‘overdosed’ and show a deterioration of performance. So,
naturally low performing subjects may benefit more than those who
perform well already.
Schermer (M.) & al., The Future of Psychopharmacological EnhancementsExpectations and Policies (2009)
«In contrast to the mostly purely speculative neuroenhancement
scenarios about alleged high efficacy and selectivity of newly
developed psychotropic drugs presented in the media, giving rise to
“hyperbolic expectations” and “speculative ethics”, a more realistic
picture needs to be adopted when facing the empirical facts.
Today, most cognitive enhancing drugs yield only small-to-moderate
effects in healthy individuals, which are of only transient duration and
enhance only a subset of cognitive abilities. For example, SSRIs might
not be more effective than St John’s wort, active placebos or exercise
training. Modafenil might be not more effective than a few cups of
coffee […]. It is especially unclear whether cognition-enhancing drugs
are effective at all in non-disease states since – possibly due to a
prevailing disease-centred framework of medical funding and
regulation – well-controlled studies are mainly performed for clear
disease states, but not for “normal” conditions. For example, there is
doubt that SSRIs are also effective in minor melancholy or that
cholinomimetic drugs work efficiently in non-dementia memory
disturbances.» (Matthis Synofzik)
Un témoignage
I sat down and took one 200 mg tablet with a glass of water […] I
picked up a book about quantum physics and super-string theory I
have been meaning to read for ages. […] Five hours later, I
realised I had hit the last page. […] I hadn’t noticed anything,
except the words I was reading, and they came in cool, clear
passages; I didn’t stop or stumble once. Perplexed, I got up, made a
sandwich – and I was overcome with the urge to write an article
that had been kicking around my subconscious for months. It
rushed out of me in a few hours, and it was better than usual. […]
I was just able to glide into a state of concentration – deep, cool,
effortless concentration. It was like I had opened a window in my
brain and all the stuffy air had seeped out, to be replaced by a
calm breeze. Once that article was finished, I wanted to do more.
I wrote another article, all of it springing out of my mind
effortlessly. (Hari, in Goodman, 2010)
Toutefois…
In a 2012 study of the
effects of the amphetamine
Adderall on people without
ADHD, psychologists at the
University of Pennsylvania
in Philadelphia found no
consistent improvement on
numerous measures of
cognition, even though
people taking the
medication believed that
their performance had been
enhanced.
Katherine Sharpe, Nature, 13 février 2014
Amélioration cognitive ou émotionnelle ?
Une étude sur l’effet de la Ritaline
The first category of improved affect, “feeling up,” refers to respondents’
accounts of general increases in levels of energy (which might involve
perceptions of physical as well as mental energization) and elevated senses of
well-being. The second category, “drivenness,” encompasses descriptions of
feeling a strong need or desire to do something, as when respondents would
report a need to engage in action in order to expend a surfeit of energy
produced by stimu- lant use. It also encompasses needs or desires to get
specific tasks accomplished, as when respondents would report perceptions of
an urge to complete a particular assignment or set of assignments. The third
category, “interestedness,” relates to respondents reports of enhanced abilities
to become emotionally invested in substantive issues related to their work—
for example, theories covered in a course textbook, or an academic topic
assigned for a written paper […]. The final category, “enjoyment,” refers to
reports of users coming to experience academic labor as something that feels
less like work forced upon them, and more like a pleasurable activity that one
might willingly choose to engage in.
S. Vrecko, Just How Cognitive Is “Cognitive Enhancement”? On the Significance of Emotions in
University Students’ Experiences with Study Drugs, 2013
4. La santé et la normalité
Les deux sens de «normal»
fait
sens statistique
seuil
❷
idéal
❶
sens normatif
valeur
❶
La santé comme état
normal idéal
«La santé est un état de complet bien-être physique,
mental et social, et ne consiste pas seulement en une
absence de maladie ou d’infirmité.» (OMS, New York, juin
1946)
❷
La santé comme
état normal de
seuil
«Les soins de santé ont, comme but, un fonctionnement
normal: ils se concentrent sur une classe spécifique de
d é s a v a n t a g e s é v i d e n t s e t e s s ay e n t d e l e s
éliminer» (Norman Daniels, Just Health Care, p. 46).
Soigner, c’est rétablir un fonctionnement humain normal;
améliorer, c’est aller au-delà du normal.
Le fonctionnement humain
limite légitime d’intervention de la médecine
fonctionnement
anormal
−
fonctionnement
normal
seuil
limite naturelle
«pleine santé»
fonctionnement
amélioré
+
pas de limite naturelle
Cependant, la distinction entre soigner et améliorer n’est
pas toujours claire: vacciner, est-ce soigner ou améliorer
la nature ? et la chirurgie correctrice ? les traitements
contre les effets de la ménopause ? y compris pour
restaurer la fécondité ? La nature elle-même entretient le
flou: certaines formes d’anémie d’origine génétique,
mortelles à moyen terme pour ceux qui l’expriment,
protègent les porteurs sains contre la malaria. Les
diabétiques résistent mieux en période de disette, car ils
consomment moins de calories. Cela pose un problème
éthique car on juge généralement que soigner est
moralement bon, mais qu’améliorer est pour le moins
douteux.
Deux maladies ?
Jean-Noël Missa
«L’électrochoc avait [dans les années
1950] un tel succès qu’on y voyait
parfois une sorte de panacée. Cerletti
avouait avoir dû renvoyer “un père qui
venait lui demander de traiter par
électrochoc sa fille qui s’était infatuée
d’un jeune homme non agréé par le
futur beau-père” ou “un mari volage lui
adressant la même requête parce qu’il
ne pouvait plus supporter les esclandres
de la femme jalouse”.» (p. 179-180)
Anjan Chatterjee
«If improving quality of life is
an explicit goal for
physicians, and quality of life
does not always correspond
d i re c t l y w i t h c l i n i c a l pathologic indices, then why
not consider biologic
interventions for the quality
of individuals’ lives whether
or not they have a disease?»
(Cosmetic Neurology, 2004, p.
968)
Un bonheur
«supra-normal» ?
The use of DBS for enhancement purposes is severely
constrained by the lack of evidence about potential benefits, the
risk of severe harm, and the risk of altering decisional
competencies. […] However, what are “therapeutic levels” of
happiness and are there indeed risks of too high levels of
happiness? This raises the complex question of whether happiness
always leads to psychosocial well-being and, if not, whether there
are optimal levels of happiness. This question is now no longer of
only academic interest, but a very practical question, for example,
for any psychiatrist who counsels patients with NA DBS and tries
to determine the optimal DBS parameters.
Who should act to adjust the patient’s feelings and reward-oriented
behavior within the normal range? If we allow patients to perform
self-stimulation, the possibility arises that BSR may eventually lead to
addiction. If we prohibit self-stimulation, the patient’s feelings must be
under someone else’s control, which also requires ethical or
neuroethical discussion.
In the future, DBS could be employed to control various mental
disorders by modulating the activity of the reward system. Schlaepfer
et al. recently applied DBS of the reward system to treat refractory
major depression stimulation of the accumbens nucleus to alleviate
anhedonia. Although this approach appears to be promising, based on
our experience of BSR with the self-stimulation procedure, we
believe that the following questions must be discussed to develop
DBS to the level of a standard therapy for mental disorders: “Who
has the right to control the mental condition?”; and “Who makes
decisions” on “How much control is appropriate?” in daily life.
Un parallèle ?
Society clearly accepts modulation with caffeine and antidepressants, as well as alcohol, and now in some states
marijuana. So would enhancement through DBS always be
inappropriate?
Être au-dessus du seuil,
mais pas très loin
If it is acceptable to use CE to restore the disabled to a normal
level of functioning, and to enhance the capabilities of ‘normal’
people, it should also be used to improve the health of
socioeconomically disadvantaged people, and thus reduce health
inequalities. […] My suggested potential use of CE is to enhance
the cognitive capacities of such people so that they are more likely
to make healthy choices. This would both ‘compensate’ for the
inferior education that they may have received, and make them
more receptive to health education messages.